Ecrits sur le Taïji Quan et le Qi Gong
A la source du tai-chi
« Selon la légende, c’est Zhang Sanfeng qui a vu par sa fenêtre le combat entre un serpent et une pie. L’oiseau regardait le serpent lové par terre, alors qu’il volait en tournoyant au-dessus de lui. Le serpent l’observait s’approcher et s’éloigner, de plus en plus menaçant. Soudain, la pie poussa un cri perçant et, agitant ses ailes comme un éventail, fonça sur le serpent. Celui-ci secouait sa tête, la lançait de tous les côtés, évitant les serres et les coups de bec de l’oiseau. Se glissant en spirales, gardant toujours sa forme enroulée, il bondit soudain comme un éclair et tua l’oiseau. Zhang Sanfeng comprit alors que la rondeur et la souplesse l’emportent sur la rigidité. »
Extrait des Mouvements du silence de Grégorio Manzur, p. 298
Le tai-chi serait donc un antistress efficace ?
Oui, car avec une pratique régulière, le corps s’habitue à la paix interne : elle l’imprègne, il la savoure… et lorsque va survenir un stress extérieur, il va le refuser. C’est comme s’il disait : « Non, pas ça, je veux continuer à vivre en paix. » Au fil du temps se produit un basculement intérieur, on prend conscience du stress auquel on a été soumis, on réalise que l’on possède en soi un potentiel d’harmonie immense que l’on n’avait pas su utiliser jusque-là. Cela ne veut pas dire que l’on se ferme au monde et à ses turbulences, mais on cesse de se laisser contaminer par elles.
Cette pratique est également connue pour agir sur notre santé. Par quels moyens ?
Les mouvements du tai-chi, très lents et toujours circulaires, sont « médicinaux » dans la mesure où chaque muscle, chaque organe, chaque cellule est sollicité en douceur pour que l’énergie vitale soit répartie harmonieusement en suivant les « routes énergétiques » de notre corps. Leurs effets sur la santé sont directs. La respiration s’approfondit, la circulation sanguine s’améliore, le teint s’éclaircit, le sommeil s’apaise et la digestion devient plus facile. La pratique du tai-chi favorise également l’assouplissement des articulations. Les bienfaits du tai-chi peuvent être ressentis dès que l’on commence à pratiquer, à raison d’une heure et demie par semaine avec un enseignant et un quart d’heure chaque jour chez soi. L’avantage du tai-chi est que l’on peut commencer à pratiquer à tout âge, il n’y a aucune qualité physique particulière requise, aucune performance à atteindre. Chacun va à son rythme et pratique avec ce qu’il est.
Que peut nous apprendre le tai-chi sur nous-mêmes ?
Le premier enseignement vient de la confrontation avec la lenteur. Nous sommes habitués à vivre vite, à penser vite, à agir vite, et surtout à récolter rapidement des bénéfices, nous craignons la frustration. Or, le tai-chi, c’est l’école de la lenteur, du détachement et de la constance. Le mouvement juste s’effectue selon le rythme naturel du chi, toute notre attention doit donc être mobilisée pour suivre cet élan vital. C’est ainsi que l’on fait l’expérience directe et concrète de la concentration dynamique. Mais ces mouvements ne sont pas que lents, ils s’enchaînent les uns avec les autres. Ce qui veut dire que la qualité de l’enchaînement dépend de la qualité de chaque mouvement. Laquelle s’acquiert par la répétition consciente et soutenue pendant des années. Il ne s’agit pas de faire de beaux gestes, aussi parfaits soient-ils, mais des mouvements justes. Est juste le mouvement qui suit les injonctions du yi.
Entretien de Grégorio Manzur pour le magasine « Psychologies »